16 Juin Et si on ne démantelait pas les installations nucléaires ?
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Cet article pose la question du non démantèlement des centrales nucléaires. Il a vocation à être critiqué sur chaque point et argument car nous ne prétendons malheureusement pas avoir trouvé le Graal qui nous assurerait une sortie du nucléaire sans déchet ni inconvénient. Par ailleurs, il est une condition sine qua non à cette proposition : ne plus produire de nouveaux déchets. Un arrêt du nucléaire civil et militaire est un préalable.
Rappel du 1er épisode
Dans l’épisode précédent nous avons fait le tour des solutions de démantèlement et de leurs inconvénients, ainsi que des intérêts financiers pour une industrie en pleine déconfiture. Nous avons vu, afin d’éviter tout débats et contestations, que l’industrie nucléaire n’hésite pas à transformer le vocabulaire : les expressions « pré verdoyant » ou « retrouver le gazon vert » parsèment les documents suisses, allemands ou français afin de remplacer le trop technique mot « démantèlement ». Mais pourquoi donc – et de façon aussi unanime – les industriels, scientifiques et politiques du nucléaire n’envisagent-ils que le démantèlement ?
Superficie des centrales
Une centrale nucléaire comme celle de Cruas en Ardèche occupe une superficie de 148 hectares. En France il y a 19 centrales, une bonne dizaine d’autres installations nucléaires civiles et autant de militaires soit une quarantaine de sites contaminés au total. Très grossièrement on peut dire que ces 40 installations représentent environ 6’000 hectares, soit 0,011 % du territoire national (France métropolitaine). En Suisse les 4 centrales (6 km²) représentent 0,014 % du territoire. Nos pays peuvent donc supporter le fait de perdre définitivement quelques km². On aimerait certes les voir reverdir, mais à condition de ne plus ouvrir de nouveaux sites pour mettre des milliers de tonnes de déchets ou de nouvelles centrales.
Manifestation d’antinucléaires devant la centrale de Brennilis (Bretagne, France)
Comment ne pas démanteler ?
La première étape est de retirer les combustibles usés, de les entreposer à l’extérieur en piscine ou à sec (par exemple à la Hague en ce qui concerne la France). Ensuite, il est possible de détruire les corps de bâtiments situés en dehors de la zone contaminée ou de les utiliser à des fins éducatives, de formation ou de musées de la « folie nucléaire ». Toutes les installations contaminées restent en l’état et sont entretenues, contrôlées, protégées durant les centaines d’années, voire plus, qui sont nécessaires à la disparition de la radioactivité. Et ce bien sûr avec les mêmes critères que ceux qui prévalent actuellement aux centrales en fonctionnement. Il faudra donc des dizaines de salariés par site pour maintenir en état ces installations et assurer leur sécurité.
Pas des gardiens mais des ingénieurs, des techniciens, des travailleurs qualifiés et formés, avec une garantie d’emploi assurant le passage de la mémoire des installations. D’aucuns diront qu’il s’agit d’argent perdu, de métiers qui ne produisent pas de richesse. Mais n’est-ce pas déjà ce que l’on fait ou envisage de faire sur les sites de déchets nucléaires ?
Assurer la sécurité des populations
n’est-il pas aussi valorisant que produire
de l’énergie ?
Et ensuite ?
Le béton et le métal des cuves vont progressivement s’éroder. Sans doute au fil du temps mais pas plus que dans les sites d’entreposage des déchets envisagés actuellement. Et peut-être même moins si l’entretien est assuré quasi quotidiennement. En restant accessibles à tout moment ils rendront possible une intervention. Certaines centrales et installations nucléaires sont situées dans des zones inondables et/ou sismiques. Mais sans combustibles ces installations sont capables de supporter de tels risques. Elles pourront être renforcées si nécessaire.
De la nécessité de débattre
Ces arguments sont les plus souvent avancés pour le moment en défaveur de cette solution de non démantèlement, y compris dans les rangs des antinucléaires. A vous d’en ajouter car c’est ainsi que le débat doit s’engager sur des choix qui impacteront des générations et des générations. Ne pas démanteler signifie aussi ne pas transporter des milliers de tonnes de déchets et de gravats radioactifs, pas de robots grimpeurs raboteurs découpeurs, pas de mise en danger de centaines de salariés souvent externalisés et sous-payés, pas de déchets « perdus » dans les pays pauvres, pas de millions de dollars ou d’euros évanouis dans des sociétés alléchées par des marchés en constante augmentation.
En réalité le seul vrai argument contre cette solution est que nous allons laisser aux générations futures la preuve visuelle, tangible, de 70 ans de folie nucléaire. Et c’est bien pour cela que nos industriels scientifiques et politiques veulent raser, cacher, disperser les monstres qu’ils nous ont imposés.
Et c’est pour cela que nous voulons que ces monstres restent visibles afin que les générations futures sachent jusqu’où peut aller la folie industrielle et marchande.
Dominique Malvaud, STOP nucléaire Drôme Ardèche (collectif ADN)