21 Fév Prix de l’électricité, Confédération passive
Ces derniers mois, les annonces alarmantes concernant le prix de l’électricité ont fait la une des médias : « Prix de l’énergie : les boulangers genevois craignent le pire » (Léman Bleu), « Saint-Prex fait son bilan énergétique dans un climat électrique » (24 h), « Ces industriels suisses menacés par l’envolée des prix de l’électricité » (Agefi), « Prix de l’électricité : 3000 hôtels et restaurants menacés de fermeture » (Le Matin). Mais que se passe-t-il ?
À Berne, monsieur Prix déclare ne rien pouvoir faire pour la commune de St-Prex qui a vu sa facture d’électricité augmenter de 1600% passant de 70’000 francs à 1,3 million. Ce sont les effets de la «libéralisation régulée» du marché européen et suisse, des fortes variations du prix du gaz à la suite de l’agression Russe en Ukraine et des problèmes des centrales nucléaires françaises: depuis 2009, les clients consommant plus de 100’000 kWh/an ont pu s’approvisionner sur le marché libre, ce qui leur a permis de bénéficier temporairement de prix plus bas.
Libéralisation risquée
Le prix sur le marché libre s’appuie sur l’EPEX, la bourse spéculative européenne qui réunit producteurs, fournisseurs et négociants en électricité. Le prix n’y est pas fixé en fonction du coût moyen de production d’électricité, mais par le coût de production le plus cher nécessaire pour répondre au besoin du moment ou prévisible. En cas de faible demande, les installations classiques et renouvelables suffisent, mais lorsque la demande est en pointe, les centrales thermiques à gaz sont mises à contribution. Or les problèmes des centrales nucléaires françaises et l’arrêt de l’approvisionnement en gaz russe ont provoqué de fortes vagues spéculatives à l’approche de l’hiver, saison de forte consommation d’électricité et gaz. Heureusement, le début de l’hiver a été particulièrement doux, les barrages sont restés pleins et la consommation de gaz faible, en outre des centrales nucléaires françaises ont été remises en service hâtivement. Ainsi les prix sur le marché libre ont pu baisser début janvier.
La Suisse sans bouclier tarifaire
Mais les clients du marché libre qui ont dû renouveler leurs contrats fin 2022, l’ont fait à des conditions très onéreuses. De son côté, le Conseil fédéral, à majorité UDC-PLR, n’a pas réagi hélas, malgré les appels provenant des milieux économiques, en particulier l’USAM, parlementaires (Centre, Verts, PS et Vert’lib) ou associatifs, notamment l’ASLOCA et la FRC. Contrairement à l’immobilisme fédéral, les gouvernements de nombreux pays européens ont agi pour protéger les entreprises touchées par la spéculation sur le marché des énergies, souvent en taxant les superprofits réalisés sur les marchés du gaz et de l’électricité. Quant aux « petits clients » liés au fournisseur local, ils peuvent être acculés à la faillite, même si pour eux les augmentations sont le plus souvent modestes. Leur facture d’électricité 2023 augmentera de 0 à 60 %, selon que le fournisseur produit lui-même de l’électricité ou pas, qu’il a conclu des achats à terme judicieux…
Bon côté de ces événements : les ménages et entreprises qui parviennent à réduire leur consommation, et/ou à produire de l’électricité renouvelable, sont récompensés : la plupart des entreprises électriques augmentent pour 2023 le prix de rachat du courant vert. Chez Romande Énergie, par exemple, le prix du kWh photovoltaïque racheté aux petits producteurs passera en 2023 à 18,6 centimes, soit près du double qu’en 2022 ! Mais cela ne justifie nullement l’inaction de la Confédération. Une taxation des bénéfices extraordinaires des entreprises qui profitent de la crise doit être mise en place. Elle fournirait des moyens supplémentaires pour éviter des faillites, pour renforcer l’autonomie énergétique, grâce aux renouvelables et à l’efficacité, et afin d’accélérer ainsi la transition énergétique.
Christian van Singer, membre du comité
Cet article a été publié dans le journal d’information #134