La taxinomie verte européenne : une perpétuation du déni de la dangerosité du nucléaire

La taxinomie verte européenne : une perpétuation du déni de la dangerosité du nucléaire

Quelque trois semaines avant le début de la guerre en Ukraine qui réveille le spectre d’une apocalypse nucléaire, l’Union européenne dans sa taxinomie « verdit » l’énergie nucléaire au motif de sauver le climat. Mais comment le fait-elle ? Au prix de quelques silences.

Premier silence : les risques de l’extraction de l’uranium

Cette taxinomie n’évoque que les centrales, faisant fi des risques de l’extraction minière de l’uranium pour la santé humaine, liés aussi bien à aussi bien à la radioactivité qu’à la toxicité de l’uranium, et pour l’environnement, puisque pour une tonne d’uranium extrait, il y a au minimum quatre tonnes de déchets radioactifs qui, faute de solutions de stockage sûres, polluent les nappes phréatiques, contaminent êtres humains, animaux et plantes lentement mais sûrement, mais cela se passe si loin de chez nous !

Second silence : le stockage des déchets nucléaires

Dans tous les pays nucléaires, il n’existe actuellement pas de solutions satisfaisantes au stockage des déchets radioactifs. Parmi ces solutions, l’enfouissement des déchets en profondeur a le vent en poupe. Comme il est impossible de prédire avec certitude l’évolution des sous-sols une fois les déchets enfouis, il est question de pouvoir les désenfouir, si cela s’avère nécessaire. Une réversibilité qui demande une confiance citoyenne sans réserve dans nos dirigeants. Confiance mise à mal par l’État français — un des fervents artisans de cette taxinomie — qui peine à tenir cet engagement à Wittelsheim, en Alsace, où sont enfouies dans les anciennes mines de potasse d’Alsace des tonnes de déchets menaçant actuellement la qualité de l’eau.

Nous faire prendre des vessies pour des lanternes : l’acte délégué[1] du 2 février dernier de la Commission européenne

En ce qui concerne le nucléaire, ce second acte délégué exige que l’activité nucléaire satisfasse à des exigences de sûreté nucléaire et environnementale strictes ; il exige également le renforcement des obligations de transparence et d’information, afin que les investisseurs puissent prendre des décisions en évitant tout risque d’écoblanchiment.

Quel angélisme ! Cet acte, actuellement en discussion au Parlement européen et au Conseil, s’il est accepté, entrera en force le 1er janvier 2023. Et, selon sa définition, il ne peut que compléter ou modifier des éléments non essentiels des actes législatifs de l’UE. Aussi, semble-t-il, l’énergie nucléaire restera une énergie favorisant la transition vers la neutralité climatique, peu importe l’origine et l’avenir polluants et mortifères de son combustible. Le lobbying nucléaire est passé maître pour faire prendre des vessies pour des lanternes à une grande majorité de nos dirigeants.

Tout a commencé par une catastrophe militaire, la bombe atomique, suivie de catastrophes civiles : Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima, autant de démonstrations que l’énergie nucléaire porte en elle le possible autoanéantissement de l’humanité et de la planète, non sa sauvegarde. Tout finira-t-il ainsi grâce à la perpétuation du déni de la dangerosité du nucléaire entretenu par cette taxinomie ? C’est sans compter notre volonté farouche de réinventer le monde !

Sophie Laissue juin 2022

[1] Les actes délégués sont des actes juridiquement non contraignants qui permettent à la Commission de compléter ou de modifier des éléments non essentiels des actes législatifs de l’UE, par exemple pour définir des mesures détaillées. (Définition officielle de l’Union européenne)